Sa préférée - Sarah Jollien-Fardel (2022)
- 8 déc. 2024
- 2 min de lecture
Dernière mise à jour : 13 déc. 2024

Lauréat du Prix du roman FNAC 2022, Sa préférée est un premier roman emprunt de colère sourde.
Il raconte l'histoire de Jeanne, une petite fille qui apprend très tôt à esquiver la brutalité, tant physique que morale, de son père. Tandis que sa mère et sa sœur semblent se résigner, Jeanne, elle, refuse de se soumettre. Un jour, battue pour une broutille, elle raconte tout au médecin du village qu'elle idolâtre. La réaction de l'homme n'est pas celle qu'elle espérait. Face à la lâcheté et au silence complice des voisins, amis et membres de la famille, Jeanne se replie dans sa haine et parvient à quitter la région pour suivre des études. Ses douloureux souvenirs se rappelleront violemment à elle avec le décès de sa sœur puis de sa mère.
"Moi, je vivais sur mes gardes, je n'étais jamais tranquille, j'avais la trouille collée au corps en permanence."
On pourrait penser que l'autrice évoque par ce roman une expérience personnelle mais il n'en est rien. Comme l'héroïne, elle est née dans les années 70 et vit en Suisse, dans les montagnes du Valais. Le parallèle s’arrête là. Si elle connaît très bien le sujet des violences faites aux femmes, c'est qu'elle est bénévole dans une association venant en aide aux femmes battues. Les faits de violence sont peu décrits bien que très choquants; sans doute parce que, pour Jeanne, ils font partie du quotidien et méritent peu qu'on s'y attardent. Sans doute aussi, bien sûr, parce que la jeune femme est profondément traumatisée et souhaiterai passer à autre chose.
S'inscrivant résolument dans l'ère post-Metoo, l'autrice s'intéresse à la violence exercée au sein d'une cellule familiale, contre les femmes du foyer. Pour autant, elle questionne plus les dégâts produit par la violence que la violence elle-même. Elle se place ainsi du côté des victimes et de l'après. L'autrice se garde bien de juger son héroïne qui est souvent assez antipathique. Comme ses proches, on doit parfois se forcer pour continuer à suivre Jeanne dans ses errements. Et si on le fait ce n'est que parce que l'on connaît ses souffrances qui expliquent son comportement.
"Alors que maintenant je pourrais tourner la page, vivre sans la peur, ne plus sursauter à chaque bruit, chaque appel téléphonique, chaque éclat de voix, car il n’est plus là. Il est toujours là."
Comment survivre à une enfance volée ? à la culpabilité ? Le pardon est-il possible ? Peut-on avoir une vie amoureuse, ou simplement des relations amicales normales, lorsqu'on n'a connu que la peur et les coups ? La violence se transmet-elle ? Peut-on s'affranchir du passé ? Autant de questions complexes auxquelles il n'y a pas de réponses toutes faites. Le roman n'en donne d'ailleurs pas. Chaque victime devra trouver sa voie.
Sa préférée est un roman percutant et sans concessions. Il se lit d'une traite (180 pages seulement), comme en apnée. N'hésitez pas à vous plonger dedans, vous ne le regretterez pas !
Avos marque-pages, prêts, lisez !
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