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La conjuration des imbéciles - John Kennedy Toole (1980)

  • 14 oct. 2024
  • 3 min de lecture


couverture de Laconjuration des Imbécile, éditions 10/18
Comme le disait le poète : "n'est stupide que la stupidité" !

Avant de parler du livre en tant que tel, il convient d’évoquer le destin tragique de son auteur, destin qui a contribué à faire du livre un véritable phénomène littéraire. Les deux sont en effet étroitement mêlés.

John Kennedy Toole a écrit le roman en 1962. A l’époque, aucun éditeur ne veut publier le texte et l’auteur sombre dans un profond mal-être qui le conduit au suicide en 1969. Sa mère, qui croit au manuscrit, reprend alors la quête de son fils et, par l’entremise de l’auteur Walker Percy, séduit par le texte, trouve un éditeur. La conjuration des imbéciles sort finalement en 1980 et J.K. Toole remporte, à titre posthume, le prestigieux prix Pulitzer en 1981. Le roman devient dès lors un classique de la littérature humoristique américaine.

Le livre met en scène les aventures rocambolesques d’Ignatius J. Reilly, un personnage haut en couleur. Celui-ci se démarque ainsi grâce des tenues vestimentaires improbables, un appétit gargantuesque, un immense amour de lui-même et des troubles gastriques bruyants. De plus, il brille par sa misogynie, sa misanthropie, sa paresse ou encore son mépris pour la société moderne. Comme l’auteur, le personnage vit à la Nouvelle-Orléans, est un auteur incompris et, à trente ans passés, vit chez sa mère avec qui il entretient une relation conflictuelle. Inadapté social, Ignatius passe ses journées dans sa chambre à manger, regarder à la télévision des programmes qu’il abhorre et coucher sur le papier sa détestation du monde actuel. L’anti-héros dans toute sa splendeur ; il n’a vraiment rien pour plaire !

« Décider à ne fréquenter que mes égaux, je ne fréquente personne puisque je suis sans égal. »

Pour rembourser une dette, sa mère l’oblige à trouver un travail. Ignatius va alors, au gré de ses différents emplois (archiviste dans une usine de pantalons ou vendeur de hot-dogs ambulant), vivre des aventures incroyables et croiser des personnages tous plus bizarres et excentriques les uns que les autres : une danseuse exotique et son perroquet, une collègue sénile qu’on empêche de prendre sa retraite, un policier zélé, contraint par sa hiérarchie à porter des costumes ridicules…

- Comment va Miss Trixie ? J’espère qu’elle a encore toute sa tête.
- Elle est encore vivante ; c’est à peu près tout ce qu’on peut dire d’elle.

Le récit s’ouvre sur une citation savoureuse « Quand un vrai génie apparaît en ce bas monde, on peut le reconnaître à ce signe que les imbéciles sont tous ligués contre lui », qui vaut pour le héros de l’histoire, qui se perçoit comme un génie incompris, mais aussi pour l’auteur dont on dit qu’il l’a ajouté après les nombreux refus donnés par le monde de l’édition. Dès l'ouverture, le ton est donné !

Difficile de résumer un texte aussi foisonnant. La façon dont les vies des personnages s’entremêlent jusqu’à l’apothéose finale est particulièrement bien écrite. A leur niveau, tous sont des imbéciles et chacun nous offre des petites phrases savoureuses : « J’ai dit à mes étudiants que, par égard pour l’humanité future, j’espérais qu’ils étaient tous stériles. », « M’est avis que mon organisme doit sécréter quelque musc qui attire et enrage les agents de police », « Quelle remarquable insulte de bon goût ! », « Taisez-vous sacripant. Je vous dispense de me faire la conversation. » ….

En outre, le texte retranscrit le parler du sud américain prolétaire (chapeau au traducteur !). Ainsi par exemple, le bowling devient le bouligne, les communistes sont des communisses ; c’est un peu déroutant au début mais cela devient vite plaisant et dynamise les dialogues.

Le roman tire aussi à boulets rouges et de façon plutôt juste sur la société américaine des années 60 en explorant, au fil des pérégrinations d’Ignatius, des sujets comme le travail, « ultime perversion », les violences policières, le racisme, le féminisme ou encore la libéralisation des mœurs (pour une analyse complète je vous invite à lire le très complet article de Buzz-littéraire.com sur le livre.)

Un bémol tout de même : un passage malaisant, autant vous prévenir, dans ce qui ressemble à une maison libertine homosexuelle. Ici, le second degré est moins, voire pas du tout, évident. Bref, un passage caricatural à l’extrême du sujet et pas spécialement drôle, qui nous rappelle que le roman date des années 60. Nombreux sont ceux à avoir vu dans ce passage, une façon pour l’auteur d’exprimer maladroitement le refus de sa propre sexualité. En effet, J.K. Toole aurait été homosexuel, ce qui aurait été une des causes de son suicide… Nous n’aurons malheureusement jamais les explications de l’auteur sur ce point.

Reste que le livre se lit très facilement et s’avère, malgré des longueurs et quelques passages problématiques, très drôle.

Tenté par cette lecture ?

 

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